MODY NIANG - Les comptes ultimes soldés avec « le vieux président-politicien » et « le président-politicien junior »

Dimanche 22 Décembre 2024

L’essayiste sénégalais, pourfendeur assumé des régimes libéraux qui ont exercé le pouvoir de 2000 à mars 2024, a réglé ses derniers (?) comptes avec Abdoulaye Wade et Macky Sall. C’était au cours d’une cérémonie de promotion de ses deux ouvrages consacrés à la période 2012-2024. Il y avait du monde et du contenu dans la salle Amady Aly Dieng de l’Espace Harmattan mais l’auteur n’a pu dédicacer aucun des deux ouvrages en raison de « douleurs » entre le pouce et l’index survenues après un léger accident sur les lieux.

« Ah, c’est vous Mody Niang ! Je vous croyais plus âgé…» lui lance le président Abdoulaye Wade en entrant dans la salle de la présidence de la République où l’attendait sagement l’inspecteur de l’enseignement élémentaire qu’il avait souhaité rencontrer pour la premières fois. L’audience avait été calée par « Mme Mbaye », la fameuse secrétaire de l’ex chef d’Etat. « A cinquante ans, je ne suis pas non plus jeune », lui rétorque en substance Mody Niang. Poliment. 

 

« Vous savez, je lis toutes vos contributions… Malheureusement, vous n’êtes pas politicien… Dites-moi ce que vous voulez », relance Me Wade. « (Monsieur le Président), laissez-moi le temps de réfléchir… » 

 

Sur ce, Mody Niang est mis en rapport avec des proches du Président Wade. Ceux-ci sont instruits de lui faciliter une prochaine (re)prise de contact avec le palais. Parmi eux, il y Lamine Faye, neveu et garde du corps attitré. Et Idrissa Seck, dans la foulée, le reçoit chaleureusement entre les quatre murs de sa station de directeur de cabinet. Apres les salamalecs, il lui balance : « Doyen, vous ne pouvez pas nous empêcher de faire de la politique! » « Mais je n’empêche personne de faire de la politique », réplique le contributeur.

 

En quittant la présidence de la République ce mardi avec des numéros de téléphone, Mody Niang avait une certitude : « le vieux président politicien » avait la ferme intention de le corrompre, comme il l’a fait avec d’autres, avant de le discréditer publiquement. 

 

« Je ne les ai jamais appelés », souligne-t-il face au public entassé dans la salle Amady Aly Dieng de l’Espace Harmattan. 

 

C’était jour de dédicaces de ses deux derniers ouvrages consacrés aux deux mandats de Macky Sall : « Sept longues années du président-politicien à la tête du Sénégal (février 2012-février 2019) » et « Le second et dernier mandat du président-politicien à la tête du Sénégal (2 avril 2029-2 avril 2024) ».

 

« En vrai, je n’attendais rien d’Abdoulaye Wade et de Macky Sall. Et surtout, je ne les ai jamais détestés. C’est leur gouvernance des affaires publiques et de l’intérêt général qui était inacceptable à mes yeux », note Mody Niang.

 

 

Selon l’essayiste, la politisation outrancière de l’administration publique, le dérèglement hors normes du système d’indemnités et de rémunération dans la fonction publique, la gestion anarchique et corrompue des réserves foncières du pays, notamment à Dakar intra-muros, l’impunité chronique, ont été les lignes rouges ayant précipité sa rupture avec Me Wade. 

 

Aujourd’hui encore, Mody Niang rappelle avec une colère palpable la démarche par laquelle le président Abdoulaye Wade, « parangon acharné de la gestion informelle du pouvoir », est passé d’une indemnité de judicature 150 000 à 800 000 francs CFA pour satisfaire une corporation des magistrats qui n’en espérait pas tant. C’était sous le gouvernement de Hadjibou Soumaré.

 

En dépit de réticences certaines exprimées à l’époque, Mody Niang assume son soutien à Macky Sall après la chute d’Abdoulaye Wade. « Malgré tout, nous voterons pour le diable », écrit-il dans une contribution parue alors dans la presse privée. Un choix réaliste né, en partie, de l’incapacité des autres pôles politiques à s’entendre sur une candidature unique qui permettrait de tourner la page des libéraux. 

 

Mais la trêve avec les libéraux n’ira pas très loin avec « la vassalisation de l’assemblée nationale », « l’instrumentalisation outrancière de la justice », « l’Etat de droit écrabouillé », comme le rappelle l’ex Commissaire de police Boubacar Sadio lors de son intervention. Nommé conseiller par Nafi Ngom Keïta, présidente de l’Office national de lutte contre la corruption (OFNAC), Mody Niang n’en continue pas moins de scruter les actes de gouvernance du régime. 

 

Cette posture déplut au Palais qui n’arrêta pas de « faire pression » sur l’inspectrice générale d’Etat afin qu’il se sépare de son trublion. Jusqu’à cette goutte d’eau intitulée : « Les fonds politiques, source d’enrichissement illicite ». Cette nouvelle production convainquit Mody Niang de lâcher son poste de conseiller OFNAC autant pour ne pas gêner Nafi Ngom Keïta que pour reprendre définitivement sa liberté de ton et d’expression dans l’espace public. 

 

« Je devais continuer d’écrire car je pouvais pas me tenir », explique Mody Niang, convaincu que Macky Sall doit payer pour tout ce qu’il s’est passé au Sénégal entre 2021 et 2024 malgré « sa » loi d’amnistie votée à la hussarde dans les derniers jours de son magistère. 

 

 

En décidant d’« accompagner » Ousmane Sonko et le Pastef pour remettre le Sénégal dans le chemin de la bonne gouvernance - décision prise il y a plusieurs années - l’essayiste faisait un pari, celui de parvenir enfin à éloigner les libéraux du pouvoir pour un bon bout de temps. L’alternance du 24 mars 2024 lui donna raison, mais il attend de voir. 

 

Depuis août 2024, il assure la présidence du conseil d’administration de la Société de presse et d’édition /Le Soleil (SSPP), un maroquin qu’il dit ne pas avoir sollicité. D’où sa rage de lire dans « une certaine presse » qu’il a été « casé ».

 

« N’oublie pas qui tu es, n’oublie pas qui tu es, a insisté le Pr Djibril Samb. Tu es un trésor précieux pour ce pays. Reste-le ».

 

Modérateur de la cérémonie de dédicace, le Pr Ndiack Fall avait à ses cotés le Pr Buuba Diop, le colonel à la retraite Tabaski Diouf et le commissaire de police à la retraite Boubacar Sadio qui ont chacun pris la parole à divers titres.

 
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